Stéphane Dhonte, bâtonnier du barreau de Lille : de l’importance de la justice prédictive pour prévoir les jugements ou préparer les actions

La profession d’avocat doit aussi faire face à la révolution du numérique. Le barreau de Lille a été le premier d’Europe à mettre en place des systèmes de justice prédictive. Ou comment les données sur les décisions de justice permettent de prévoir les meilleures chances de succès.

Qu’appelle-t-on la justice prédictive ?

Stéphane Dhonte : « Le barreau de Lille a fait le choix d’accompagner cette révolution numérique de la profession avec des systèmes innovants de justice prédictive : ce sont des outils d’aide à la décision qui allient à la fois l’intelligence artificielle et l’open data.

D’un côté, les technologies d’intelligence artificielle ont fait des progrès considérables. De l’autre, la loi pour une République numérique fait obligation de mettre à disposition l’ensemble des décisions de justice. 

En alliant cet open data avec l’intelligence artificielle, nous pouvons, à partir des données du passé, prévoir ou en tout cas limiter les risques juridiques. »

En quoi cela révolutionne le métier ?

Stéphane Dhonte : « Les nouvelles technologies permettent d’aller beaucoup plus vite dans l’approche d’un dossier et dans la mise en place de la stratégie, en évitant des heures de recherche. Tout en sachant que le procédé a ses limites : si vous posez une mauvaise question à la machine, elle vous fournira une mauvaise réponse. L’avocat doit quand même faire une analyse préalable du contentieux pour tirer le meilleur parti de l’outil.

L’intelligence artificielle liée à la data permet de mesurer les risques juridiques ou judiciaires et d’envisager une solution plutôt amiable. Comme aujourd’hui, il est de plus en plus compliqué de saisir un juge et que les modes alternatifs de règlement prennent leur essor, ces outils vont permettre aux avocats de proposer une solution. Les contentieux qui durent cinq ou six ans ne sont pas forcément l’avenir de la profession d’avocat.

En tant que professionnels, la démarche du barreau consiste à accompagner la révolution numérique de tous les avocats lillois dans la justice prédictive, dans ce domaine précis qu’est l’aide à la décision. »

Est-ce que le coût de la justice va pouvoir diminuer ?

Stéphane Dhonte : « L’avenir de la profession ne va pas consister à facturer trois à cinq heures de recherche. Le travail de l’avocat qui est d’accompagner, de qualifier juridiquement les faits, d’écouter le chef d’entreprise pour établir une stratégie, reste le même.

Ces outils nous aident à être plus performant, plus rapide et plus sûrs. Le coût de développement de ces logiciels nécessitent un réel investissement. L’objectif ultime serait de créer un vrai éco-système de légalthèques avec Euratechnologies voire avec les universités comme Lille 2 et l’EDHEC. »

Ces outils alliant data et intelligence artificielle servent principalement à quatre choses :

1.

calculer les chances de succès d’une action juridique parmi les juridictions. Je peux par exemple calculer mes chances de succès en fonction du tribunal de grande instance de Douai, Lille, Marseille ou Dijon et voir quelle juridiction pourrait être la plus favorable à ma thèse. Comme la data proposée fournit la composition des jurys, nous pouvons même analyser les décisions prises en fonction des magistrats afin de savoir si tel ou tel magistrat est favorable au type de thèse que l’on défend.

2.

calculer le montant moyen des indemnités accordées : juridiction par juridiction, toujours en fonction des décisions rendues, il va être possible de calculer un montant d’indemnité moyen ou à l’inverse, d’évaluer un risque de perdre ou une chance de gagner. Ces outils, en tant qu’avocats, nous permettent d’affiner le calcul de risques pour une TPE ou une PME de s’engager dans tel ou tel procès.

3.

examiner, magistrat par magistrat ou tribunal par tribunal, les éléments les plus pertinents retenus par un juge. Le procédé est encore en cours de finalisation. Par exemple, nous avons fait test sur une problématique de domiciliation fiscale : on s’aperçoit que le premier critère retenu par une juridiction parisienne était de savoir à quelle date la femme de ménage a été licenciée, le deuxième critère étant de savoir à quelle date les plaques d’immatriculation du véhicule avaient été modifiées : ces éléments nous permettent de mieux préparer le dossier.

4.

compiler en une demi-seconde, des millions de décisions de justice, afin de faire du scoring sur mon adversaire ou sur le magistrat. Si j’ai un contentieux avec la société Y en matière de rupture abusive de relations commerciales établies, je peux en une demi-seconde (contre auparavant quatre à cinq heures de recherches manuelles) vérifier si cette société a déjà eu des contentieux du même genre, si elle été condamnée et à quel montant elle a été condamnée. Ce qui me permettra de dire que je ne suis pas le seul à avoir des problèmes avec la société Y !

Le 7 décembre, place aux premiers Prix de l’innovation

Le barreau de Lille a lancé la première édition des Grands prix de l’innovation du Barreau de Lille, en partenariat avec l’AFJE (Association française des juristes d’entreprises) des Hauts-de-France : plus d’une centaine de candidatures vidéos ont été reçues, mettant en valeur le service numérique rendu. Rendez-vous sur la page Facebook https://fr-fr.facebook.com/Barreau-de-Lille-717758541724671/lle du barreau de Lille  pour visionner les vidéos et rendez-vous à la soirée de remise des prix le jeudi 7 décembre à la Cité des Echanges pour affirmer la Métropole Lilloise comme « Pôle Juridique d’Excellence ».

12 prix qui vont être remis 

Ces Prix de l’Innovation et de la Relation Client-Avocats distingueront l’avocat – associé, collaborateur, exerçant à titre individuel ou en structure groupée – qui portera un projet ou qui aura innové en matière de qualité ou de développement dans ses rapports avec l’entreprise ou le justiciable :

• Droit de l’Homme et Libertés Fondamentales

• Droit Pénal Droit de la Responsabilité et des Assurances

• Droit des Personnes et de la Famille

• Droit Social et Protection Sociale

• Droit International et de l’Union Européenne

• Droit de la Propriété Intellectuelle

• Droit de la Distribution et de la Concurrence

• Droit des Nouvelles Technologies

• Droit Commercial et Bancaire

• Droit Public et Environnemental

• Droit Immobilier et Urbanisme

• Droit des Sociétés et Corporate

• Droit Fiscal et du Patrimoine

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Sophia Martin-Belgaïd Secrétariat du Bâtonnier Contacter par email

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