Dunkerque accueillera le 23 septembre prochain les 3e Rencontres européennes CO2 « Industries et Territoires », rassemblant les acteurs économiques et institutionnels européens engagés dans la réduction et la valorisation des émissions de CO2. Interview croisée sur les enjeux de François Lavallée, président de la CCI Littoral Hauts-de-France et Valérie Cotinaut, élue référente sur le sujet en tant que vice-présidente CCI Littoral Hauts-de-France.
Quelles solutions pour décarboner l’industrie régionale ?
En 2019, la CCI Littoral Hauts-de-France était à l’initiative de la signature par quatre industriels du territoire (ArcelorMittal Dunkerque, Liberty Aluminium Dunkerque, Comilog Dunkerque, Ferroglobe Manganese France) du Manifeste « CO2, Industries et territoires ».
Décarbonation : Dunkerque, premier émetteur de solutions


Où en est-on aujourd’hui ?
François Lavallée : ‘Le littoral et le dunkerquois constituent aujourd’hui la troisième plateforme industrielle de France : ce territoire est également le premier émetteur de CO2 en France. Il était donc essentiel de s’unir (les entreprises comme Arcelor Mittal, Liberty, Aluminium Dunkerque) pour atteindre les objectifs de diminution d’émissions de gaz à effet de serre, fixés par l’Etat et l’Europe.’
Car si nous produisons beaucoup, nous sommes aussi aujourd’hui les champions du plus bas ratio émission de carbone/production. Par exemple, Aluminium Dunkerque produit déjà de l’aluminium décarboné grâce à l’énergie nucléaire locale.
Valérie Cotinaut : ‘Parce que justement le bilan carbone des industries est bien meilleur sur le territoire de Dunkerque et bien moindre qu’ailleurs dans le monde, il faut soutenir l’industrie française. En tant qu’animateur de toute la filière industrielle du Dunkerquois, la CCI Littoral non seulement anime les entreprises mais fait du lobbying pour que le fruit des taxes carbone soit fléché vers l’innovation industrielle, afin de refinancer l’innovation dans les entreprises.’
Comment travaille-t-on à trouver des solutions sur le territoire de Dunkerque justement ?
François Lavallée : ‘L’enjeu de la décarbonation est donc majeur pour le Dunkerquois. C’est pourquoi la CCI, les collectivités locales, le Conseil régional et l’ADEME (l’agence de la transition écologique) ont mis leurs moyens en commun pour avancer ensemble dans la réflexion, à savoir comment produire moins de carbone, comment le réutiliser et comment stocker l’excédent. Il n’y a pas qu’une solution, il y aura un mix de solutions entre le stockage, la réutilisation, la non-production. On peut faire le parallèle avec l’énergie, c’est exactement pareil.’
Valérie Cotinaut : ‘Depuis trois ans, nous avons bien avancé. Avec les industriels, nous avons construit ensemble une feuille de route pour baisser la production de CO2. En partenariat avec l’ADEME, nous avons mené une étude nous permettant de mesurer précisément le gisement de CO2 et d’identifier les plus forts leviers d’action. Plusieurs projets sont déjà en cours de réalisation ou prêts à être mis en œuvre, en attente de financements.’
Le 23 septembre, nous allons présenter cette étude de l’ADEME mais surtout mettre en perspective des solutions pour le territoire dunkerquois, en matière de captation de CO2, de stockage. Ces solutions peuvent être industrielles ou territoriales, puisque nous travaillons par exemple avec la Communauté urbaine de Dunkerque et le Grand Port Maritime de Dunkerque.
Mais nous ne travaillons pas que pour le territoire de Dunkerque, notre objectif est bien d’associer l’ensemble des industriels de la région, en mettant d’autres industriels autour de la table, en renforçant le leadership de la région comme rev3 en matière de décarbonation et en devenant un démonstrateur européen.
L’Europe est en train de réfléchir à taxer plus aux frontières les produits issus des pays dont les normes environnementales sont moins ambitieuses qu’en France. Qu’en pensez-vous ?
François Lavallée : ‘Cela fait dix ans que nous demandons à l’Europe de rééquilibrer les choses : on ne peut pas faire des efforts en France pour produire vert et prendre le risque d’être moins compétitif qu’une autre industrie du bout du monde, qui n’a par ailleurs pas les mêmes contraintes. Notre objectif est d’éviter à tout prix les délocalisations vers les pays à bas coûts de main d’œuvre et aux moindres exigences écologiques.
A l’échelle de l’Europe, nous avons bien conscience que c’est très compliqué à mettre en œuvre : comment taxer au plus juste les produits finis et semi-finis qui entrent sur le marché européen ? Il nous faut absolument trouver une solution, pour contrer ces entreprises qui font du dumping environnemental, social et fiscal. D’autant qu’avec le Brexit, nous devons désormais composer avec la Grande-Bretagne, qui risque de se déconnecter de ces obligations européennes contre les émissions de carbone.’
Quid des plans de relance, qui ont injecté justement des financements dans l’optique d’une transition écologique ?
François Lavallée : ‘Du fait de la pandémie de Covid-19, l’Europe et la France ont mis en place des dispositifs d’appui à l’investissement très importants au niveau du carbone. Sans ce plan de relance, j’aurais été très inquiet. Ces aides servent aujourd’hui à investir dans de nouvelles technologies.
Leur objectif est bien d’accompagner à la décarbonation et non de punir l’industrie : c’est dans cet esprit que l’on organise les 3e Rencontres européennes CO2 « Industries et Territoires ». L’objectif est de se réunir pour partager des solutions avec des retours d’expérience, à l’échelle européenne. Atteindre la neutralité carbone d’ici 2050 est particulièrement ambitieux. Le Parlement européen ambitionne une réduction du CO2 de 30% d’ici 2030 or à l’échelle industrielle, c’est presque demain.’
De quelles solutions dispose-t-on aujourd’hui ?
Les Rencontres européennes servent justement à discuter des retours d’expériences et du mode de gouvernance idéale dans ce genre de projets de décarbonation. La première table ronde abordera les solutions industrielles, la seconde table ronde exposera les solutions territoriales, dans l’optique que chacun puisse travailler ensemble, vers le même objectif. Nous avons échangé avec des pays qui ont déjà avancé sur la question comme la Rhénanie, la Silésie, la Norvège. Et nous restons ouverts à qui veut échanger !
Cette journée vise également à une certaine pédagogie, afin de provoquer une prise de conscience auprès des plus petites entreprises, des habitants et des associations. Tout le monde doit se montrer solidaire et fier des avancées. Car le maintien des industries sur le territoire en travaillant à leur résilience, c’est aussi se battre pour l’emploi.

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