Canal Seine-Nord Europe : parlons financement, environnement, projet

Le Canal Seine-Nord Europe est le projet majeur que pourraient connaître les Hauts-de-France au cours de la prochaine décennie. Ce projet, maintes et maintes fois reporté, semblait sur le point d’être réalisé, avec le bouclage financier de cette opération et la création de la Société du Canal Seine-Nord Europe en charge de la réalisation de cette infrastructure. 

Malheureusement, l’Etat, au travers de différentes déclarations, a jeté un doute quant à la réalisation de ce projet à court terme. Celui-ci justifie le gel de cette opération principalement par des raisons budgétaires.  

Certains acteurs politiques ont ensuite fait part de leur scepticisme sur la pertinence de cette infrastructure en avançant différents arguments dont nous pouvons douter …  

Le coût de construction du Canal Seine-Nord Europe est actuellement estimé à plus de 4,5 milliards d’euros.

Toutefois, une analyse des données existantes et prévisionnelles sur le projet de Canal Seine-Nord Europe montre que la somme pouvant être « économisée » se révèle fort différente de ces 4,5 milliards d’euros…

De 4,5 milliards d’euros à 1 milliard d’euros

Suite à l’abandon du partenariat public-privé jugé trop coûteux, le protocole de financement prévoit un financement entièrement assuré par la puissance publique.

Participeront à ce projet :

  • L’Union Européenne à hauteur de 1,8 milliard d’euro,
  • L’État français (1 milliard)
  • Les collectivités (1 milliard).

Les Régions Hauts-de-France et Ile-de-France contribueront respectivement à hauteur de 352 et 110 millions d’euros. Les Départements traversés par ce chantier participeront pour un montant de plus de 500 millions d’euros.

De ce fait, on ne parle pas de 4,5 milliards d’euros mais plutôt de 1 milliard d’euros d’économie potentielle pour l’Etat. 

Un emprunt de 700 millions d’euros devrait par ailleurs être contracté par la Société du Canal Seine-Nord Europe et remboursé par les recettes liées à ce projet. Ce montant avait pour objectif de financer de possibles « surcoûts », notamment en raison de l’évolution des coûts de la construction. Toutefois et au regard de l’évolution à la baisse de l’indice du BTP depuis la date de cette estimation (fin 2013), les surcoûts potentiels de cette infrastructure pourraient se révéler inférieurs au montant envisagé.

De 1 milliard d’euros à un montant bien inférieur

Le Canal Seine-Nord Europe sera construit via la Société de Projet du Canal Seine-Nord Europe par des entreprises de la construction, redevables notamment de la TVA…

De ce fait, sur les 4,5 milliards d’euros investis dans ce projet, une part importante pourrait revenir à l’Etat.

Au-delà de la TVA, les entreprises qui travailleront pour la réalisation du Canal Seine-Nord Europe devront s’acquitter de charges, de taxes et d’impôts de différentes natures auprès de différents établissements nationaux (Ursaff, Assedic, Etat, etc.).

A titre d’exemple, le total des charges sociales salariales et patronales représente 64% du salaire brut (ou 82% du salaire net). Les sommes payées par les entreprises participant à la réalisation de ce projet pourraient une nouvelle fois grandement réduire l’addition potentielle de l’Etat.

On ne parle de ce fait plus de 1 milliard d’euros d’économie mais d’un montant bien inférieur. 

Les estimations en matière d’emplois générés par ce chantier sont estimées de l’ordre de 11 000 à 13 000 avec notamment de 4 000 à 5 000 emplois directs (entreprises en charge de la construction de ce chantier) et plus de 7000 emplois indirects!

Ces 7 000 emplois supplémentaires seront eux aussi, porteurs de retombées économiques pour les territoires mais également de ressources fiscales pour l’Etat.

A long terme, on estime en outre à près de 45 000, le nombre d’emplois générés par ce projet. 

Aussi, et au regard de ces chiffres, le milliard d’euros investi (en l’absence de déduction des taxes et des charges) par l’Etat dans le Canal Seine-Nord Europe semble plus que justifié, soit un montant de l’ordre de 22 000 euros par emploi…. Une somme bien inférieure à la valeur ajoutée moyenne annuelle d’un salarié en France de l’ordre de 70 000 euros…

L’Union Européenne ambitionne une augmentation considérable des parts modales pour les modes ferroviaires et fluviaux, en passant de 15 % aujourd’hui à près de 30 % d’ici à 2030 et au-delà de 50 % d’ici à 2050;

La part modale de la route passerait de ce fait de plus de 85% aujourd’hui à 50% demain. Pour témoigner des efforts très conséquents nécessaires pour tenir ces engagements, nous pouvons rappeler que le transfert de 10% des camions circulant uniquement sur l’Autoroute A1 représente près de 500 000 poids lourds supplémentaires sur la voie d’eau, soit le report envisagé sur l’axe Seine-Nord Europe…

Aussi, le chiffre envisagé de report modal sur le Canal Seine-Nord Europe semble très loin d’être surestimé.

Le travail à mener pour atteindre les objectifs affichés par l’Union Européenne restera considérable !

Le transfert de trafic engendré par la mise en service du Canal Seine-Nord participerait en outre à la décongestion de la métropole de Lille, dont le coût annuel est aujourd’hui estimé à plus de 1,4 milliard d’euros par an.

Différentes personnalités ont évoqué des risques de destruction des zones et des espaces naturels remarquables. Un travail majeur a été engagé dans la conception du projet pour en réduire au maximum ses impacts. Un travail de « renaturation » et des actions de compensations environnementales sont actuellement menées par la Société de projet pour faire de ce canal un projet exemplaire. Un observatoire indépendant de l’environnement est également garant de la mise en œuvre effective des mesures annoncées lors de l’enquête publique.

Certains acteurs ont émis des doutes quant à une réduction des émissions de CO2 générées par ce projet, au regard de l’énergie « grise » nécessaire à la réalisation de cette infrastructure. Le mode fluvial émet de 2 à 4 fois moins de CO2 à la tonne transportée que les poids lourds. Ainsi et au travers des trafics reportés sur ce tronçon, le Canal Seine-Nord Europe aura inévitablement un bilan positif en termes de réduction des émissions de CO2.

Enfin, certaines personnalités évoquent le risque encouru pour les réserves en eau des Hauts-de-France. Sur cette thématique, le travail programmé sera tout bonnement exemplaire. Le haut niveau d’étanchéité de ce canal évitera en effet de puiser, comme cela avait précédemment envisagé, dans l’Oise. En outre, l’approvisionnement en eau de Lille qui était vu comme une recette par le premier projet (partenariat public privé) a été abandonné.

Ainsi et au regard de ces éléments, nous ne pouvons douter du caractère irrationnel du point de vue environnemental de ce projet.

Certaines personnalités ont récemment avancé qu’il serait davantage pertinent d’investir pour le développement du fret ferroviaire que sur le fluvial…

Mais pourquoi donc mettre en concurrence ces deux modes ?

Qu’il s’agisse du fret ferroviaire ou du fret fluvial, les investissements à mener devront avant tout être à terme rentables, comme le sera le Canal Seine-Nord Europe.

Une opposition de ces modes serait d’autant plus stérile et contre-productive. D’ailleurs, les acteurs du fret ferroviaire n’ont eu de cesse de soutenir le projet de Canal Seine-Nord Europe !

Au regard de ces éléments, nous ne pouvons que rester dubitatifs quant aux arguments d’économie budgétaire, environnementaux et de création d’emplois ; d’autant plus que l’ensemble des partenaires institutionnels associés à ce projet, l’Union Européenne, la Région Ile-de-France, la Région Hauts-de-France et l’ensemble des Départements traversés par cette infrastructure, ont très largement maintenu leurs engagements pour la réalisation de ce projet.

Nous ne pouvons également comprendre que sous prétexte d’un argument financier critiquable, l’Etat français s’apprête à abandonner, près de 2 milliards d’euros de l’Union Européenne injectés dans l’économie locale.

La Société de Projet Canal Seine-Nord Europe est composée d’une multitude d’acteurs tous engagés pour le développement économique des territoires concernés. L’ampleur de l’investissement, aux regards de leurs ressources propres, que comptent mener chacun des financeurs de cette infrastructure témoigne de leurs motivations et leurs espérances quant aux impacts de cette opération.

L’abandon de ce projet est-il vraiment financier ? Nous nous posons très sincèrement la question.